Président d’un club eSport amateur, c’est quoi ? Avec Biggie. 

2025-01-19

Écrit par

Izpey

Dans une ère où le numérique est omniprésent dès le plus jeune âge, nombreux sont ceux qui rêvent de devenir une star du jeu vidéo. Si la majorité se voient en tant que joueurs, d’autres aspirent à connaître la gloire en bâtissant et en partageant leur propre univers : créer et présider un club eSport. C’est le cas notamment d’Alexis « Biggie » Vigne, un Héraultais qui, le 16 mars 2021, fonde Antic Esport Club aux côtés de Dylan « Kaixie » Zeller.



Alexis "Biggie" Vigne, co-fondateur et co-président de l'association Antic Esport depuis 2021.


Qui est Biggie, le président d’Antic ESC ?

Jongler entre la vie de famille, la vie professionnelle et la vie esportive demande beaucoup de temps, d’énergie mais surtout beaucoup de passion. Si cela paraît difficile pour beaucoup, Biggie s’est, quant à lui, adapté à ce train de vie depuis maintenant 4 ans. Pour lui, les jeux vidéo c’est une histoire de famille. De ses 10 ans d’écart avec son frère ainé, il est le petit dernier d’une fratrie plongée dans ce monde. Aujourd’hui, il se remémore de bons souvenirs d’enfance, en repensant à ses frères jouant à Chevaliers de Baphomet sur la Playstation, dans leur chambre. À cette époque, il est donc difficile pour un jeune garçon comme lui de ne pas tomber dans cet univers. Mais en réalité, c’est avec son cousin qu’il le découvre : « Je pense que ma passion vient plutôt des moments partagés avec mon cousin chez qui je passais toutes mes vacances. Il avait toujours un nouveau jeu, une nouvelle musique, un nouveau film à me faire découvrir. D’ailleurs ma licence préférée, c’est lui qui me l’a faite découvrir. Il s’agit de Final Fantasy. »  C'est alors que son histoire d’amour avec les jeux vidéo commence, avec l'acquisition d'une « Gameboy d’occasion » et non pas avec Final Fantasy, mais avec les jeux iconiques Mortal Kombat et Tetris.


Son approche avec l’eSport est un peu différente. Alors que les jeux vidéo faisaient partie intégrante de son quotidien familial, c’est en dehors de ce cocon qu’Alexis découvre un autre visage du gaming : la compétition. Ainsi, sa curiosité l’amène à découvrir l’eSport sur Game One, « la première chaîne de télévision française thématique spécialisée dans les jeux vidéo », avec l’émission Arena Online, qui a permis à de nombreux joueurs français de découvrir les compétitions sur Counter Strike. Cependant, sa pratique compétitive du jeu vidéo débute sur Modern Warfare 2« Fun fact, pour trouver des matchs, il fallait utiliser jeuxvidéo.com ou envoyer des emails aux équipes », une anecdote que peu de personnes, aujourd’hui, peuvent se targuer de raconter. Par la suite, et à la fin de Black Ops, il découvre un nouveau format de compétition : le Decerto. Ce dernier, une révolution à l’époque, propulse l’eSport sur console avec notamment les One Day Cup de 4WIN, réunissant tous les dimanches des centaines d’équipes. Pour beaucoup, c’est le début des tournois à enjeux, et pour Biggie, c’est le début des premières victoires et surtout de sa première LAN, la « 4WIN Arena #2 » à Mézières-sur-Seine (78) en 2013 en représentant son ancienne équipe, For The Game.


Pendant et après sa période de joueur, Biggie explique qu’il a « toujours eu de l’intérêt par la gestion d’une équipe et/ou d’une structure » Cette envie, qu’il a naturellement développé, s’est intensifiée au moment où, par hasard, il découvre la WebTV de Millenium, avec la retransmission de la M-House-Cup sur Starcraft 2. « C’est un véritable déclic, la découverte de la Gaming House, le plaisir d’être ensemble, la réaction des viewers sur l’IRC (« Internet Relay Chat » : un système de messagerie en temps réel sur internet, NDLR) Toute cette émotion m’a donné l’envie de pouvoir vivre et faire vivre la même chose. ». Peu de temps après, il fonde son association « AddicT Esport », qu’il qualifie plutôt aujourd’hui « d’association étudiante ». Cette première expérience, en 2014, s’est révélée comme une réussite : plus d’une centaines d’adhérents, des joueurs croates qui se sont classés parmi les meilleurs sur Overwatch et Counter Strike, le passage d’Alphama devenu plus tard professionnel sur le jeu Rainbow Six Siege, et d’autres. Une première expérience de président enrichissante qui offre un sentiment de fierté et de satisfaction pour Biggie, mais malheureusement interrompue par un manque de temps lors du passage des études supérieures au monde professionnel. Plus tard, en 2021, cette envie renaît : Antic Esport voit le jour, avec plus de maturité mais en reprenant les mêmes codes qui ont permis à des jeunes joueurs, cités plus haut, d’accomplir leurs rêves.



Kameto & Prime, fondateurs de la "Karmine Corp", modèles et sources d'inspiration pour de nombreux passionnés.


Quel est le rôle d’un président d’un club eSport ?

Présider un club eSport est sûrement l’une des fonctions les plus complexes dans le monde associatif. Beaucoup s’y tentent, moins y arrivent : des nouvelles associations naissent, tandis que d’autres disparaissent. En cause principalement, la difficulté à créer un environnement stable et viable pour ses membres, en particulier sur le plan financier. La recherche de fonds, jugée « difficile mais surtout chronophage » par Alexis, représente une tâche capitale mais exigeante. « En tant que bénévole, il est souvent compliqué de jongler entre la vie personnelle, la vie professionnelle et la vie associative », poursuit-t-il. Mais si cela reste un aspect essentiel au développement d’une structure, il ne suffit pas. Avoir les compétences, le caractère et la passion nécessaires est tout aussi important pour offrir un accompagnement de qualité aux joueurs et maximiser leur potentiel.


Au-delà de l'aspect financier, un président peut être comparé à un leader. En guidant des équipes souvent jeunes, il doit répondre à des attentes variées tout en les motivant au quotidien. Pour Biggie, c’est d’ailleurs cette transmission de savoirs et de valeurs qui nourrit sa motivation : « Apporter aux adhérents de nouvelles compétences qu’ils pourront utiliser au quotidien, dans leurs vies personnelles ou professionnelles. C’est toujours une grande fierté pour moi que d’apprendre que certains des joueurs et staffs que j’ai encadrés vivent aujourd’hui de leur passion. ». Le rôle de président implique également d’autres responsabilités, comme gérer des personnalités souvent très différentes, maintenir la motivation et assurer la cohésion du groupe. Plus encore, veiller à la santé mentale et physique de chaque membre est devenu une nécessité dans le monde de l’eSport. Accompagner, conseiller et soutenir les joueurs dans leurs moments de difficulté est une mission délicate, mais essentielle pour garantir un environnement sain à chacun.


Ainsi, depuis mars 2021, Biggie porte ce rôle à cœur. Pour lui, comme pour beaucoup d’entre nous, c’est une passion d’enfance qui a donné lieu à une véritable vocation. « Mon développement associatif et professionnel sont intimement liés. Sans mes expériences de manager, de responsable, et de président dans l’eSport, je n’aurais certainement jamais imaginé en faire mon métier. »



L'équipe Rocket League, accompagnée de Dylan "Kaixie" Zeller (2ème en partant de la gauche), aux Urban Series, tournoi organisé par Rocket Baguette.




Favoriser et aider les membres dans leur progression : comment faire ?

Le développement d’un club eSport repose avant tout par l’accompagnement de ses membres. Chez Biggie et Antic Esport, des moyens concrets et une politique où chaque membre joue un rôle essentiel sont mis en place pour permettre à chaque joueur, bénévole, ou membre du staff de progresser. « Nous expliquons à nos adhérents qu’ils sont la pierre angulaire de la réussite de l’association, leur investissement, de quelque niveau qu’il soit, va permettre à chacun d’atteindre son but. ».


Parmi ces outils, l’un des projets majeurs à venir est la mise en place d’un ERP (Enterprise Resource Planning) dans les prochaines semaines. « Celui-ci devrait nous permettre de voir améliorer le suivi et l’accompagnement offert à l’intégralité de nos adhérents ». Cette solution innovante et inédite permettra un suivi plus précis des parcours de chacun et facilitera le développement de l’association et de ses membres. Également, l’objectif pour le bureau n’est pas de multiplier les projets ou les jeux, mais de concentrer ses efforts sur un nombre limité de sections et d’équipes afin de garantir un soutien optimal aux bénévoles. « En limitant le nombre de jeu et d’équipe, nous régulons notre nombre d'adhérents, ce qui permet à chacun d’offrir une valeur ajoutée à notre association. »


Depuis toujours, l’investissement bénévole est au cœur de la réussite d’un club eSport. Cependant, avec la professionnalisation continue de l’eSport, la recherche de membres véritablement investis s’avère compliqué. Comme le souligne Alexis, « notre problématique est de trouver des bénévoles ». Pour encourager l’engagement des membres, l’idée est d’identifier les meilleures formes de compensation pour l’investissement fourni. Pour Antic, les solutions sont présentes : « nous travaillons actuellement à deux types de contrepartie pour nos adhérents, le premier en nature avec le don de vêtements, goodies et matériel, le second la possibilité de convertir son temps de bénévolat en heure de formation sur son CPF. »


Enfin, écouter et comprendre les membres sont une nécessité. Sur cette base, le bureau partage à chaque fin de saison un formulaire de satisfaction, permettant d’identifier les problématiques des adhérents afin d’y trouver des solutions, mais également des propositions pour continuer de se développer.